La loi DDADUE 5 (n°2025-391), publiée le 30 avril 2025, met à jour le droit français pour l’aligner sur plusieurs textes européens. Elle couvre des secteurs variés comme l’économie, la santé, l’énergie ou encore les transports.
Elle adapte notamment le droit des sociétés et le droit financier, avec un accent sur quatre thèmes : ESAP, obligations vertes, actifs numériques et durabilité.

Sommaire
Rappel du parcours législatif
Le projet de loi DDADUE 5, qui vise à adapter plusieurs pans du droit français aux règles européennes, a franchi ses premières étapes au Sénat le 10 mars 2025. Ce jour-là, les sénateurs ont approuvé le texte en première lecture. Ils se sont appuyés largement sur la version proposée par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable.
Puis, le 31 mars 2025, les membres de la commission mixte paritaire (CMP) sont parvenus à un accord. Le texte a ensuite été adopté définitivement : d’abord par l’Assemblée nationale le 2 avril, ensuite par le Sénat le 3 avril.
Il s’agissait du troisième texte de transposition du droit européen examiné par le Parlement en trois ans. Un texte varié, couvrant aussi bien des enjeux économiques et financiers que des questions environnementales ou judiciaires.
Le 29 avril, après un recours porté par 60 députés, le Conseil constitutionnel a validé l’ensemble du texte. La promulgation officielle est intervenue dès le lendemain, le 30 avril 2025. La loi a été publiée au Journal officiel le 2 mai.

Point d’accès unique européen (ESAP)
Dans le cadre de son plan d’action pour l’Union des marchés de capitaux (UMC) lancé en septembre 2020, la Commission européenne a proposé la création d’un point d’accès unique aux données économiques des entreprises européennes : l’ESAP (European Single Access Point). L’idée ? Permettre un accès simplifié, équitable et centralisé aux informations financières et non financières, pour mieux guider les décisions d’investissement et renforcer la transparence.
L’ESAP a pris forme grâce à un ensemble de textes législatifs publiés au Journal officiel de l’Union européenne le 20 décembre 2023 :
Texte | Référence | Date |
---|---|---|
Règlement ESAP | (UE) 2023/2859 | 13 décembre 2023 |
Règlement modificatif | (UE) 2023/2869 | 13 décembre 2023 |
Directive ESAP | (UE) 2023/2864 | 13 décembre 2023 |
Selon ces règlements, la plateforme ESAP devra être accessible au plus tard le 10 juillet 2027. Cette mesure s’intègre aussi dans la stratégie numérique de la Commission et le Pacte vert européen. L’objectif est clair : garantir un accès rapide, fiable et non discriminatoire à l’information pour tous les acteurs du marché.
En France, la loi DDADUE 5 (article 1er, II) autorise le Gouvernement à agir par ordonnance dans un délai de neuf mois, conformément à l’article 38 de la Constitution. Cette habilitation servira à :
- Modifier le code de commerce, le code monétaire et financier, le code des assurances, et éventuellement d’autres textes pour transposer la directive (UE) 2023/2864 ;
- Adapter les dispositions de ces codes pour les aligner sur les règlements (UE) 2023/2859 et (UE) 2023/2869.
Ces changements visent à garantir la bonne mise en œuvre de l’ESAP et son intégration fluide dans le cadre juridique français.
Obligations vertes (green bonds)
La loi DDADUE 5 vient ajuster le code monétaire et financier pour le rendre conforme au règlement européen (UE) 2023/2631 du 22 novembre 2023. Ce texte encadre les obligations vertes européennes, c’est-à-dire les titres financiers qui servent à financer des projets bénéfiques pour l’environnement, ainsi que la publication volontaire d’informations sur d’autres obligations dites « durables ».
Les principaux changements introduits :
Point | Détail |
---|---|
Autorité compétente | L’Autorité des marchés financiers (AMF) est désignée pour superviser l’application du règlement. Elle détient les pouvoirs de contrôle et d’enquête prévus aux articles 44 et 45. |
Publication en cas de manquement | Si un émetteur ne respecte pas les règles, l’AMF peut l’obliger à publier une déclaration officielle sur son site internet. |
Sanctions renforcées | En cas de violations graves et répétées des règles, l’AMF peut interdire à l’émetteur de proposer de nouvelles obligations vertes européennes pendant un an maximum. Cette interdiction peut aussi s’appliquer à toute personne ou entité liée à ces manquements. |
Cette section de la loi renforce la surveillance et la transparence autour des obligations vertes, tout en encadrant les sanctions pour éviter les dérives et assurer la crédibilité de la finance durable.
Actifs numériques
La loi DDADUE 5 vient renforcer l’encadrement juridique des actifs numériques en France, en harmonisant le code monétaire et financier avec deux règlements européens : le régime Pilote (UE 2022/858) et le règlement MiCA (UE 2023/1114). L’un des apports majeurs est l’introduction d’un nouveau régime de nantissement adapté à ces actifs, avec application différée à un décret du Conseil d’état pour les détails pratiques.
Principaux éléments du nouveau cadre :
Point | Détail |
---|---|
Création d’un nantissement spécifique | Le créancier peut définir avec le débiteur dans quelles conditions les actifs sont utilisables. En cas de défaut, il peut les saisir après huit jours, sauf si un autre délai est prévu. |
Contenu du nantissement | Il couvre les actifs mentionnés, ceux qui les remplacent, les complètent, ainsi que leurs fruits (gains) sauf clause contraire. |
Fruits et produits | S’ils ne sont pas exclus par les parties, les fruits sont crédités à un compte spécifique ouvert au nom du titulaire chez un établissement de crédit. |
Pouvoirs du créancier nanti | Les obligations financières peuvent aussi être garanties par transfert de propriété ou constitution de sûretés sur cryptoactifs. |
Réalisation du nantissement | Pour les monnaies : transfert en pleine propriété. Pour les actifs numériques : selon l’accord ou, à défaut, selon un décret à venir. |
Garanties de compensation | Les obligations financières peuvent aussi être garanties par transfert de propriété ou constitution de sûretés sur crypto-actifs. |
Opposabilité | Depuis le 3 mai 2025, les garanties sont opposables par simple procédé informatique désignant les actifs concernés. |
Note : À compter du 1er juillet 2026, le terme « actifs numériques » sera remplacé dans la loi par « crypto actifs ».
Ce cadre juridique ambitionne de rendre les transactions plus sûres tout en facilitant l’intégration des actifs numériques dans le système financier classique.
Durabilité : CSRD et directive « stop the clock »
La loi DDADUE 5 introduit plusieurs ajustements importants sur les obligations en matière de durabilité. Elle vise surtout à adapter les délais d’application des règles européennes et à assouplir certaines exigences pour les entreprises concernées.
Report du calendrier CSRD
Dans la continuité de la directive « stop the clock » (UE 2025/794 du 14 avril 2025), l’article 7 de la loi reporte de deux ans les échéances de la directive CSRD pour les deuxième et troisième vagues d’entités.
Vague | Type d’entités concernées | Première publication | Exercice concerné |
---|---|---|---|
2e vague | Grandes entreprises / sociétés consolidant | 2028 | 2027 |
3e vague | PME cotées, petits établissements financiers, entreprises captives d’assurance | 2029 | 2028 |
Allégement pour la 1re vague
Les grandes entreprises soumises à la NFRD peuvent, pour leurs trois premiers reportings (dès 2025), omettre certaines informations prévues à l’appendice C de l’ESRS 1, selon les seuils applicables aux effectifs.
Publication sélective des informations sensibles
Une entreprise pourra ne pas publier certains éléments dans son rapport de durabilité si cela risque de porter gravement atteinte à sa stratégie commerciale. À condition toutefois que :
- Cela ne nuisent pas à la compréhension globale de sa situation
- Les informations soient transmises à l’AMF
Réforme du commissariat aux comptes
Jusqu’à maintenant, un commissaire aux comptes (CAC) ne pouvait exercer que dans une seule société. La loi autorise désormais une pratique plus souple :
Cas autorisés | Condition |
---|---|
Groupe de CAC | Contrôle au sens des art. L. 233-16 II et III du Code de commerce |
Deux sociétés | Si au moins 50 % des associés ou des actionnaires sont les mêmes |
Fin des sanctions pénales en durabilité
Une autre nouveauté : l’absence de désignation ou de collaboration avec l’auditeur chargé de certifier les données de durabilité ne sera plus punie pénalement. Ces faits étaient auparavant passibles de deux ans de prison et 30 000 € d’amende. Cette suppression vise à alléger les contraintes juridiques sans pour autant supprimer l’obligation de désigner un auditeur compétent.
La loi DDADUE 5 marque une nouvelle étape dans l’adaptation du droit français aux exigences européennes. Elle touche des domaines stratégiques : finance durable, actifs numériques, transparence des données et reporting extra-financier.
En mettant à jour les règles nationales pour les aligner sur les textes européens récents, cette loi cherche à renforcer la clarté, la cohérence et la compétitivité du cadre juridique français tout en préparant les entreprises aux transitions numériques et écologiques à venir.