Comptabilité et RéglementationFaute du CAC : annulation de circularisation sans vérification

Faute du CAC : annulation de circularisation sans vérification

Le commissaire aux comptes n’a pas à tout vérifier dans les comptes, seulement à agir avec soin, comme le ferait un professionnel attentif. Il ne peut être jugé fautif que si une erreur prouvée est liée à un manquement clair. Dans ce cas, il a abandonné une vérification importante après un simple refus de la comptable, sans chercher plus loin, ce qui a des implications pour le CAC.

Cette négligence a empêché la société de découvrir les détournements. Toutefois, l’entreprise n’avait mis en place aucun contrôle interne, ce qui a contribué aux fraudes. La responsabilité a donc été partagée à parts égales entre les deux parties, affectant ainsi le rôle du CAC.

Faute du CAC annulation de circularisation sans verification

Détournements découverts pendant un arrêt maladie

Un système faussé découvert par la remplaçante

Durant un arrêt maladie en septembre 2013, la remplaçante de la comptable d’une société remarque des incohérences sérieuses. Elle s’aperçoit que les montants en espèces saisis en comptabilité ne correspondent pas aux dépôts réellement effectués en banque. La comptable, en poste depuis des années, avait pour mission d’enregistrer les paiements provenant de quatre caisses et de remettre les espèces et les chèques aux dirigeants pour dépôt.

Mais en creusant un peu, on découvre que tout ne collait pas. Des paiements fictifs, des avoirs imaginaires pour des clients et même des fausses factures avaient été créés pour faire croire que les comptes étaient justes. Un système qui, malgré tout, ne montrait pas d’anomalies évidentes à première vue.

Une reconstitution qui révèle un écart colossal

Pour y voir plus clair, la société fait appel à son expert-comptable. Il reçoit pour mission de comparer ce qui avait été enregistré avec ce qui avait précisément été versé à la banque. Résultat : entre 2003 et 2013, près de 490 575 € manquent à l’appel.

La comptable est alors licenciée pour faute grave. Face à l’ampleur du préjudice, la société ne s’arrête pas là. Elle décide de poursuivre non seulement le commissaire aux comptes, mais aussi son propre expert-comptable, réclamant réparation.

Un contentieux limité dans le temps

Le tribunal de grande instance rejette cependant une partie des demandes de la société. Il estime qu’elle ne peut pas réclamer de dédommagement pour les détournements survenus avant 2010. La cour d’appel de Toulouse confirme cette décision, mais uniquement à l’égard du commissaire aux comptes. En d’autres termes, seuls les faits à partir du 1ᵉʳ janvier 2010 peuvent être examinés en ce qui le concerne.

La société ne lâche pas l’affaire. Elle forme un pourvoi en cassation. Et elle obtient gain de cause. La Cour de cassation annule l’arrêt de Toulouse et renvoie le dossier devant la cour d’appel de Bordeaux pour un nouvel examen.


Une norme d’audit négligée : la NEP 505 en question

Une norme daudit negligee la NEP 505 en question 1

Un refus de circularisation ignoré à tort

La cour d’appel de Toulouse a rejeté la demande d’indemnisation de la société plaignante, estimant que le commissaire aux comptes (CAC) n’avait ni négligé son travail ni commis de faute. Pourtant, la société a contesté cette décision en cassation, arguant que le CAC n’avait pas respecté la norme d’exercice professionnel NEP 505, qui concerne les demandes de confirmation des tiers.

Cette norme, validée par arrêté du 22 décembre 2006, impose au CAC de suivre une procédure précise lorsqu’il veut interroger des tiers (comme des fournisseurs) pour confirmer les opérations passées avec la société contrôlée.

Dans cette affaire, le CAC avait initialement prévu de faire une demande de confirmation auprès d’un fournisseur. Il a abandonné l’idée uniquement parce que la comptable lui a dit que ce fournisseur appartenait au même groupe que la société. Ce qui était faux.

Une vérification incomplète de la cour d’appel

La Cour de cassation n’a pas reproché à la cour d’appel une erreur de droit, mais un manque de base légale. En clair, elle estime que la cour d’appel n’a pas fait assez d’efforts pour vérifier si le CAC avait bien suivi la procédure prévue par la NEP 505.

Voici un résumé de cette procédure :

ÉtapeExigence de la NEP 505Référence
1Le CAC projette une demande de confirmation auprès d’un tiers.§ 1, § 9
2Si la direction s’y oppose, le CAC doit examiner si le refus est justifié.§ 10
3Si le refus est fondé, il doit mener des procédures alternatives d’audit.§ 11
4Si le refus est infondé, il en tire les conséquences dans son rapport.§ 12

Dans ce cas précis, le CAC ne semble pas avoir appliqué ces étapes. Il a pris les déclarations de la comptable au pied de la lettre sans chercher à vérifier ou à contourner l’obstacle.

Le dossier repris par la cour d’appel de Bordeaux

Saisie après la cassation, la cour d’appel de Bordeaux a repris le dossier en se concentrant cette fois sur le respect strict de la NEP 505. Elle a rappelé que le CAC choisit librement les tiers à interroger et qu’en cas de refus de la direction, il doit obligatoirement suivre les démarches prévues, que ce refus soit justifié ou non.

En résumé, le défaut de procédure du CAC n’a pas été évalué correctement par la première cour d’appel. D’où l’annulation de l’arrêt et un nouvel examen du dossier par Bordeaux.


Une négligence confirmée : la faute du commissaire aux comptes reconnue

Une negligence confirmee la faute du commissaire aux comptes reconnue

Des obligations claires, mais mal appliquées

La cour d’appel de Bordeaux rappelle plusieurs principes essentiels :

  • Le commissaire aux comptes (CAC) a une obligation de moyens, pas de résultats. Il n’a donc pas à examiner chaque ligne de la comptabilité ni à traquer toutes les erreurs. Son travail repose sur des méthodes comme les sondages, en s’inspirant du comportement d’un professionnel prudent et attentif.
  • Ce n’est pas parce qu’il y a des anomalies dans les comptes certifiés qu’on peut immédiatement le tenir pour responsable.
  • Le fait que son mandat ait été renouvelé en juin 2016, après la découverte des fraudes, n’empêche pas la société de le poursuivre. Ce renouvellement n’a aucune valeur en termes de renonciation à l’action en justice.

Une circularisation annulée sans vérification

Dans cette affaire, tout tourne autour d’un point précis : la circularisation. Le CAC voulait envoyer une demande de confirmation à un fournisseur, mais la société s’y est opposée. Il aurait dû vérifier les raisons de ce refus. C’est ce que prévoit la norme NEP 505, notamment dans son paragraphe 10.

Mais il n’a rien vérifié. Il s’est contenté d’écouter la comptable, qui a menti en affirmant que le fournisseur appartenait au même groupe que la société. C’était faux. S’il avait vérifié, il aurait pu informer la direction de cette incohérence.

Étapes attendues selon la NEP 505Ce que le CAC a fait
Examiner si le refus est justifiéRien vérifié
Recueillir des éléments suffisantsAucune recherche faite
Envisager des procédures alternativesAucune initiative prise
Informer la direction de l’anomalieSilence total

Une perte de chance pour la société

En annulant la circularisation sans faire preuve de rigueur, le CAC a commis une faute reconnue par la cour. Et cette faute a eu des conséquences concrètes. Elle a privé la société d’une chance :

  • Celle de détecter les détournements dès l’exercice clos le 31 décembre 2010 ;
  • Et celle d’empêcher d’autres détournements à partir de 2011.

La cour évalue cette perte de chance à 20 %, en prenant en compte deux éléments : la complexité de la fraude et l’incertitude sur ce que le fournisseur aurait effectivement répondu. Peut-être qu’il n’aurait pas donné des informations précises, mais la société aurait au moins eu une possibilité de découvrir les malversations plus tôt.


Un contrôle conforme : le CAC n’a pas failli dans sa mission sur les rapprochements bancaires

Une fraude dissimulée avec habileté

Dans cette affaire, la comptable avait mis en place un système de falsification tellement bien orchestré que même les états de rapprochement bancaires (ERB) paraissaient corrects. Tout semblait en ordre, aucun écart apparent, ce qui rendait la fraude pratiquement indétectable sans creuser en profondeur.

Le commissaire aux comptes (CAC), pour sa part, a respecté ses obligations professionnelles. Il a mené des circularisations auprès des banques et contrôlé que les rapprochements bancaires de clôture concordaient bien avec les relevés bancaires.

Un travail d’audit distinct de celui d’un expert-comptable

Ce n’est qu’au terme d’un travail particulièrement long — près de 50 heures d’analyse menées par l’expert-comptable — que la fraude a été chiffrée. Ce travail s’est concentré sur des apports en espèces sur un compte bancaire de la société, dont les montants étaient en réalité minimes comparés au chiffre d’affaires annuel (13 millions d’euros en 2009 et 2010).

Ce type d’analyse — consistant à pointer ligne par ligne les relevés et les écritures comptables — va bien au-delà des missions confiées normalement à un CAC. Ce genre d’investigation relève plutôt d’une mission spécifique confiée à un expert-comptable.

RôleTâches effectuéesRemarques
CACCircularisations bancaires, contrôle des rapprochements de clôtureConforme à la norme
Expert-comptableAnalyse détaillée et pointage ligne à ligneTravail exceptionnel hors mission du CAC

Une mission remplie sans faute

Deux éléments ont joué un rôle central ici :

  • La complexité de la fraude, pensée pour laisser les comptes sans anomalies visibles, même après les manipulations.
  • Les démarches correctement accomplies par le CAC, qui, avec les éléments qu’il avait à disposition et les méthodes qu’il devait appliquer, ne pouvait pas déceler les manipulations.

La concordance des rapprochements bancaires en fin d’année et l’apparente sincérité des comptes n’étaient donc pas remises en cause. Pour ces raisons, le premier juge a écarté toute faute du CAC, estimant qu’il avait correctement mené sa mission.


Une responsabilité partagée : la société également en tort

L’oubli du contrôle interne

La cour d’appel de Bordeaux n’a pas ignoré les manquements du commissaire aux comptes (CAC), notamment son abandon injustifié de la circularisation. Mais elle a aussi pointé un autre facteur important : la société elle-même a failli à ses obligations.

En effet, aucun contrôle interne n’avait été mis en place. Pas de procédure pour vérifier le travail de la comptable. Aucune séparation des tâches. Autrement dit, un terrain propice à des détournements répétés, sans que personne ne s’en aperçoive.

Et ce n’est pas tout. Le CAC, qui aurait dû signaler l’absence de contrôle à la direction, ne l’a jamais fait. Il a laissé les choses telles qu’elles étaient, sans tirer la sonnette d’alarme.

ResponsabilitéFaits reprochés
SociétéAbsence totale de contrôle interne, aucune séparation des fonctions
CACManquement à alerter la direction sur les failles de contrôle

Une faute non exclusive mais bien réelle

Selon la cour, les négligences de la société ne sont pas la seule cause du préjudice. Mais elles y ont largement contribué. Résultat : elle estime que la responsabilité doit être partagée à 50 % entre le CAC et la société.

Cette appréciation tient compte de deux éléments :

  • Le manque de vigilance de l’entreprise vis-à-vis d’une salariée à qui elle avait confié un rôle sensible.
  • L’absence de mesures de protection élémentaires, comme la double validation ou la supervision des flux financiers.

Dans ce type d’affaire, les fautes ne se limitent jamais à une seule personne. Ici, la faute du CAC est reconnue, mais elle ne suffit pas, à elle seule, à expliquer l’ampleur du dommage. La société, par son laissez-faire structurel, a participé à la fragilisation de son propre système.

Ce jugement rappelle une vérité simple : un bon audit ne compense jamais l’absence de prévention en interne. Le rôle de chacun est de construire un filet de sécurité. Si un seul maillon cède, tout peut s’effondrer. Mais quand plusieurs acteurs baissent la garde, la chute est presque inévitable.

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